Les 5 naufrages comptables des freelances9 minutes de lecture

On ne devient pas freelance pour le plaisir de faire sa comptabilité et d’optimiser sa fiscalité, mais passer à côté de cette dimension de sa vie d’indépendant, c’est clairement se tirer une balle dans le pied. Amédée est donc parti à la rencontre de Grégoire Charroyer du cabinet comptable Novaa et lui a posé une question simple : quelles sont les 5 erreurs de gestion les plus communes qu’il constate chez les freelances. Voici le petit best off des bavures de freelances…

#1 – Le coup de la boite à chaussure

Très courant chez les primo créateurs ou les personnes qui n’ont pas de comptable. On met toutes ses factures dans une boite et on se dit qu’à la fin de l’année, on trouvera un comptable pour y mettre de l’ordre. De toutes manières, tout est dans la boîte, on retrouvera bien ce qu’on aura besoin de retrouver…

Le conseil du comptable : mensualiser votre suivi. Bloquez vous 15 minutes par mois dédiés au suivi administratif, cela vous évitera de passer beaucoup plus de temps à la clôture ou en cas de contrôle. Un classeur avec douze intercalaires et un dossier sur votre Google Drive ou votre Dropbox avec vos factures scannées suffisent. Digitalisez votre compta, nous ne sommes plus en 1982, nous avons des outils formidables et accessibles à notre disposition, profitons-en. Et ouvrez vos courriers quand ils arrivent…

#2 – L’hubris de l’indépendance

Parce qu’il est compétent dans un domaine et pas idiot dans l’ensemble, ce freelance imagine pouvoir s’occuper de sa compta tout seul. Après tout, il ne s’agit que de mettre des opérations économiques dans des cases, il existe des tutos, des blogs, des moocs, des wikis et tout ce qu’il faut pour s’en sortir. En théorie oui, mais en pratique ce n’est pas la même histoire. D’abord, parce que le suivi comptable correspond à bien plus qu’à mettre des montants dans des cases. Se posent aussi des questions juridiques et fiscales. Ensuite, parce qu’il ne s’agit pas seulement de déléguer une tâche, mais aussi d’en déléguer la responsabilité.

Et puis, tout bêtement parce que, le temps passé à vous débattre avec votre compta est du temps que vous ne pouvez pas facturer à vos clients. Cela tombe sous le sens, mais les freelances, pourtant attentifs à leur tarif journalier, tendent à l’oublier, grisés qu’ils sont par ce sentiment d’indépendance totale. Sans surprise, notre cher comptable vous conseille de vous faire accompagner sans tarder par véritable comptable. Certes, vous êtes seul aux commandes de votre petite entreprise mais, cela ne signifie certainement pas qu’il faut tout faire en solitaire.

#3 – Le tout schuss de la cigale

“La Cigale, ayant chanté tout l’été…” Pas besoin d’être freelance pour la connaître celle-là… Oui, c’est vrai, mais quand elle est à son compte, la pauvre cigale prend encore plus cher que d’habitude. Quand vous êtes salarié, vous n’avez finalement qu’à gérer votre impôt sur le revenu. Une fois par an, on s’y colle en espérant que ça passera. On n’a pas à se prendre la tête avec la TVA ou les charges sociales, l’employeur s’occupe de tout cela.

Un freelance non exonéré de TVA (non auto-entrepreneur) qui a opté pour le régime de TVA simplifiée devra provisionner sa TVA pendant plus d’un an : s’il clôture ses comptes au 31/12/18, il devra payer sa TVA en avril 2019. Tout ce qu’il a collecté du 1er janvier 2018 jusqu’au 31/12/18, il devra le garder bien au chaud sur son compte pro. Notre dévoué comptable conseille donc à toutes les braves cigales assujetties à la TVA de choisir la TVA mensuelle (régime du réel normal) plutôt que TVA simplifiée (régime du réel simplifié).

Et c’est encore plus violent avec les charges sociales. En auto-entreprise et en SASU, c’est encore gérable, on doit les payer tous les trimestre, un manquement est préjudiciable mais rarement fatal. En revanche pour ceux d’entre-vous qui sont ou seront en entreprise individuelle ou en EURL, une interprétation excessivement optimiste des charges sociales à payer peut entraîner dépôt de bilan et surendettement.

À la création de votre boîte, ne sachant pas combien vous allez faire, le RSI réalise un prélèvement forfaitaire (autour de 3500€) mais vous ne déclarez votre salaire qu’en mai de l’année suivante. Sachant que les charges sociales représentent autour de 40% de votre rémunération, si vous vous êtes rémunéré 40.000€ en 2017, au printemps 2018, vous aurez à payer 12.500€ de régulation (16.000€ moins 3.500€ d’acompte payé en début d’exercice) plus un nouvel acompte pour l’année à venir (acompte basé sur un forfait de 4.000€ pour la deuxième année et ensuite sur la base sur les revenus de l’année n-2). Il est préférable d’avoir encore cette somme sur votre compte pro… Il faut donc bien vous mettre dans la tête que l’argent qui est sur votre compte pro ne vous appartient pas. Vous en possédez une portion, mais vous n’êtes pas le seul…

Pour les cigales impénitentes, notre aimable comptable prescrit une sorte de schizophrénie méthodologique ou dédoublement thérapeutique : ouvrez un deuxième compte pro (sans CB, sans options) et versez y, chaque mois, la somme qui correspond au pourcentage de ce que vous devrez un jour à l’État. C’est purement psychologique, mais il parait que ça marche.

#4 – Le mauvais conseil du bon pote

 – Et toi alors, tu as choisi quoi ?
– Oh moi, j’ai une SASU depuis 3 mois et j’en suis ravi, absolument ra-vi !
– Ah oui ?
– Oui, oui, prends ça, c’est le top !
– Ok. Merci mon vieux.

Voici à quoi peuvent ressembler les discussions entre amis quand l’un d’eux s’interroge sur le choix de son statut. Or, il faut bien comprendre qu’il n’existe pas de statut idéal, votre situation n’est pas nécessairement la même que celle de votre pote et votre position de demain sera peut-être bien différente de celle d’aujourd’hui.

Êtes-vous demandeur d’emploi ? Avez-vous de quoi voir venir pour l’année prochaine ? Devez-vous vous payer dès le mois prochain ? Votre activité d’indépendant est-elle votre activité principale ? Doit-elle le devenir ? Envisageriez-vous de vous associer un jour ? De quelle protection sociale voulez-vous bénéficier ? Combien gagne votre conjoint ? Souhaitez-vous faire l’acquisition d’un logement ? Voulez-vous continuer à cotiser à la retraite ? La liste est encore longue et il est peu probable que votre ami qui vous conseille ait, à toutes ces questions, les mêmes réponses que vous. Il faut vous rendre à l’évidence, votre pote n’a pas forcément la réponse pour vous et, malgré sa bonne volonté, il ne pourra pas toujours vous aider.

Au moment du choix du statut, il convient d’analyser et d’individualiser votre besoin. Pour cela, notre délicieux comptable vous suggère de participer à des meetups sur la création d’entreprise, à des salons, des one to one, de collecter un maximum d’infos sur le très complet site de l’AFE (Agence France Entrepreneur) et de vous rendre à la prochaine Freelance Fair. Vous pouvez aussi participer aux ateliers sur la création d’entreprise de votre CCI, vous renseigner auprès de votre espace de coworking qui a sûrement un comptable à vous recommander et prendre rendez-vous avec un expert du cabinet comptable Novaa.

#5 – Le cauchemar du dépassement de seuil (spécial AE)

Une erreur si facile à faire et si lourde de conséquences… Vous avez lancé votre auto-entreprise depuis 8 mois, vous travaillez dur, votre activité se développe, vous facturez gaiement, après tout, c’est que vous êtes censé faire… et vous oubliez de faire le compte des factures émises et encaissées. Peut-être même en faites vous scrupuleusement le compte, vous n’avez pas encore atteint le seuil fatidique des 33.100€, tout va bien. Mais vous avez ouvert votre auto-entreprise en cours d’année et vous n’avez pas compris que, pour cette première année, votre plafond est proratisé : vous avez créé votre auto-entreprise un 1er mai, il ne reste donc que 8 mois avant la fin de l’année calendaire (votre première année d’exercice), votre plafond est donc de 8/12 de 33.100€ soit 22.066€ et vous l’avez déjà dépassé… Pour vous, le cauchemar commence – et vous n’êtes même pas encore au courant…

Ce n’est qu’en avril de l’année suivant que l’URSSAF vous avertira de ce dépassement fortuit. Vous serez alors automatiquement transféré en entreprise individuelle (EI) et, là où ça devient vraiment dur, c’est que ce transfert est rétroactif. Tout ce que vous avez perçu au-delà du seuil dépassé sera imposé sur la base de l’entreprise individuelle. Au lieu des 23% que vous pensiez payer, c’est plus de 40% (des bénéfices et non du chiffre d’affaires, mais dans votre cas, c’est grosso-modo la même chose) que l’on vous réclame, une somme qu’il va falloir sortir – et déclarer dans votre déclaration d’impôt sur le revenu de la semaine prochaine… Le problème, c’est que vous n’aurez pas le bilan et la liasse fiscale de votre nouvelle entreprise à temps pour votre déclaration d’impôt sur le revenu…

Vous êtes dans êtes dans les cordes et ça continue : vous devez payer les 20% de TVA à partir du premier mois de dépassement. Ça non plus ça n’était pas prévu… Et parce que vous bougez encore un peu on vous sort le coup du visa fiscal. Eh oui, quand vous êtes en EI vous devez souscrire à un mystérieux visa fiscal sinon l’État majore vos bénéfices de 25% au moment de votre déclaration d’impôt sur le revenu… mais cela vous ne le saviez pas, vous ne saviez même pas que vous étiez à la tête d’une entreprise individuelle, vous pensiez n’être qu’un brave auto-entrepreneur prometteur.

Les seuils de l’auto-entreprise devraient doubler l’année prochaine, moins de malheureux devraient donc être pris au piège, mais pour ceux qui s’y trouveront ça sera deux fois plus terrible. Alors restez vigilant, c’est une question prioritaire. Ne vous contentez pas d’à-peu-près. L’enjeu est trop important

Photo de couverture Kace Rodriguez on Unsplash
Photo #2 Casey Horner on Unsplash

Amédée
Génie indépendant

Génie indépendant depuis des siècles, je partage aujourd’hui mes aventures avec vous, indépendants de tout poil et de tous horizons. Actu, bons plans, témoignages ou libres palabres, je vous apporte les meilleures infos pour que vous puissiez profiter au mieux de votre indépendance.

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