Freelance, le syndrome du Bonsaï5 minutes de lecture

Lorsque que l’on demande aux freelances ce qui les a poussé à se lancer en solo, on les entend souvent répondre qu’ils en avaient marre de l’entreprise, de ses silos, de sa hiérarchie et des absurdités. En se lançant à leur compte, ils s’imaginent tourner définitivement la page, sans savoir que ce choix serait la première étape d’un long chemin d’humilité qui les amènera, à prendre conscience de leurs limites, à reconnaître l’importance des autres, et, finalement, à redécouvrir ce qu’est vraiment une entreprise.

Le freelance se lance à son compte sur la base d’une expertise. Un jour, il s’est dit que, finalement, il pouvait faire en solo le même boulot que celui qu’il exerçait lorsqu’il travaillait dans son agence, sa SS2i, son cabinet de conseil… En théorie oui, mais en pratique, c’est une autre histoire.

On a beau s’en plaindre, l’hyper-spécialisation qui est la règle en entreprise nous réconforte.

Elle nous donne un rôle clair, un statut, une valeur reconnue économiquement et socialement. On est bon dans notre domaine et on finit par croire que l’on est bon en général, comme ce footballeur qui, parce qu’il excelle dans l’art de mettre un ballon au fond d’une cage, imagine qu’il est tout aussi légitime au moment de parler de géopolitique, d’art ou de coupe de cheveux.

Assez rapidement, on se rend compte que c’est plus compliqué que ça. Pour faire valoir son expertise et réussir sa vie de freelance, il faut encore bien des choses. Des choses et des gens que l’on regardait de loin – et parfois de haut – lorsqu’on était encore ce salarié bien confortablement installé dans la certitude de son expertise. Ces commerciaux en costume qui ne produisent rien et ne font que passer des coups de fil, ces gens de la com qui n’ont jamais rapporté un centime à la boîte, ces devs qui traînent des pieds dès qu’on leur demande une toute petite modification de rien du tout, ces graphistes décoiffés et indisciplinés, ces marketeux jargonnant et ce sinistre comptable, rabat-joie scrupuleux, qui n’a de cesse de nous mettre des bâtons dans les roues… Petit à petit, galère après galère, on réalise qu’ils n’étaient pas complètement là pour rien. On commencerait presque à les regretter…

Car, en réalité, un freelance ce n’est pas juste un expert indépendant, c’est une petite entreprise miniature, un MVP d’entreprise, un bonsaï solitaire et fragile.

D’où l’importance de s’entourer et de se former. S’entourer pour s’adjoindre ces expertises complémentaires qui nous manquent et se former pour apprendre ce que l’on ne peut pas sous-traiter. Pour ce qui est de s’entourer, les freelances ont aujourd’hui le choix : des espaces de coworking sur une bonne partie du territoire, des collectifs professionnels chaque jour plus nombreux, des coopératives d’activité et d’emploi… Sur ce front-là, la situation s’est considérablement améliorée ces cinq dernières années.

En ce qui concerne la formation, en revanche, ça n’est pas encore ça. Historiquement, ce sont les salariés qui y ont droit. Une part des cotisations des entreprises est dédiée à la formation, les circuits de financement sont connus et des sociétés bien en place se partagent la manne que représente la formation professionnelle. Le CPF, en associant les droits à la formation aux individus (et non aux postes), va dans le bon sens, mais dans la pratique, les freelances ne savent toujours pas à quoi ils ont droit, ni comment faire valoir ces droits. Nous vous expliquons ici comment aller chercher les financements que vous soyez auto-entrepreneur, EURL, SASU, MDA, Chômeur… Des formations spécifiques commencent à voir le jour ; le gouvernement actuel ayant fait de la formation professionnelle une priorité, nous devrions voir des évolutions prochainement… Stay tuned !

Photo by Davide Cantelli on Unsplash

Antoine van den Broek
Rédacteur en chef d’Amédée

Indépendant, frère-fondateur de Mutinerie, penseur, acteur et témoin des nouvelles formes de travail, passionné par le développement de communautés, j’aime faire des rencontres et raconter des histoires, deux activités auxquelles je peux me livrer par la grâce d’Amédée

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