Les sept temps du freelance14 minutes de lecture

Un freelance n’est pas seulement un expert, c’est aussi un homme-orchestre, ou une femme-fanfare si vous préférez. Autour de son cœur de métier, le freelance doit exercer d’autres fonctions, des activités périphériques qui peuvent prendre un temps considérable.

Activité commerciale, communication, administratif, networking, veille, auto-formation… Tout cela vient réduire le temps de production consacré à notre expertise. Ces activités sont d’autant plus difficiles à articuler qu’elles ne sollicitent pas les mêmes facultés ni la même énergie. Comment organiser son temps entre de ces différentes tâches ? Voici quelques bons conseils de votre bon génie.

#1. Compta / Admin

C’est l’épine dans le pied de tellement de freelances avec une particularité : l’asymétrie extraordinaire entre le temps que demande réellement cette activité et la charge mentale qu’elle représente. Quatre heures par mois, ressenties seize heures ! Une petite déclaration de dix minutes peut vous hanter pendant un mois. Chaque jour qui passe, la sale bête grandit et creuse son trou dans votre cerveau jusqu’à en prendre le contrôle. Et pourtant, une bonne hygiène professionnelle vous mettrait l’abri de ces vicissitudes sans vous prendre un temps considérable.

Faire sa compta, c’est un peu comme se brosser les dents (ou manger des pommes), ça prend cinq minutes et ça évite bien des peines.

En plus de cette attention quotidienne, prévoyez une séance de détartrage de trois heures une fois par mois.

Temps indicatif : 5h par mois

#2. L’activité commerciale

Il faut souvent des années de pratiques et quelques périodes de vache maigre pour prendre vraiment conscience de l’importance de cette activité. Quand on a du travail, on se concentre dessus, on court après les échéances, on fait de son mieux pour contenter son client, on serre les dents jusqu’au moment de la délivrance. S’ensuivent quelques jours de réjouissances et de repos bien mérité. Et, un matin, on se réveille avec la gueule de bois. Dysphorie post-coïtale. Et maintenant ? What’s next ? L’angoisse. Alors on se met à recontacter des gens qui nous ont déjà oubliés, on s’agite auprès de son entourage, on envoie des mails qui ressemblent à des bouteilles à la mer… On est en galère et ça se sent. Rien de plus rebutant.

Comme disait Stomy Bugsy « Je prie Dieu quand je suis dans la merde, il le sait, alors il me laisse dedans. ». C’est pareil avec la vente. N’attendez pas d’être dans la m… pour aller chercher des clients.

Travaillez, mais n’oubliez pas de faire votre prière. Ora et labora…

C’est très difficile en pratique, mais il faut absolument sanctuariser des moments dédiés à l’action commerciale, même si on a beaucoup de travail, surtout si on a beaucoup de travail ! Il faut, en la matière, une discipline d’hoplite. Une demie journée par semaine semble une bonne base. Pourquoi pas le lundi aprem après avoir repris pied sur les affaires courantes dans la matinée. C’est un bon moyen d’apporter un peu de suspens et quelques bonnes surprises à votre longue semaine.

Même si vous avez la chance d’avoir suffisamment d’appels entrant sans avoir à démarcher, cela vaut le coup de se poser un moment pour explorer d’autres piste, d’autres clients et pourquoi pas tester de nouveaux tarifs… Aller chercher ce que vous voulez vraiment. Soignez votre modjo. N’attendez pas qu’on vous demande de faire telle ou telle chose, faites en sorte de faire ce que vous voulez, comme vous le voulez, et avec qui vous voulez. Il s’agit ni plus ni moins de reprendre la main.

Temps indicatif : 12h par mois

#3. La communication

Nous n’avons pas tous besoin d’y consacrer la même attention, c’est certain. Néanmoins, nous avons tous à nous poser la question : que voit-on de moi ? Sait-on vraiment de quoi je suis capable ? Quelle est l’image que je renvoie ?

La première chose que feront vos prospects sera de vous googleliser. Qu’en sortira-t-il ?

Car il en sortira forcément quelque chose. Faites en sorte que cela donne envie de travailler avec vous. Que vous soyez graphiste, développeur ou journaliste, il peut être intéressant de réunir vos réalisations sur un site-vitrine dédié à votre gloire. Ce site, c’est votre book. Il vaut tous les CVs du monde.

Au-delà de cette communication “passive”, donnez aux autres des occasions d’entendre parler de vous. Communiquez sur votre métier, votre secteur, vos réalisations. Vous pouvez le faire via le blog que vous aurez pris soin d’ajouter à votre site vitrine, mais aussi sur des plateformes de contenu comme Medium, des réseaux pro comme Linkedin ou des sites tiers pertinents. Pensez aussi au mailing, un moyen simple de garder le contact avec ceux qui s’intéressent à votre travail. Ne soyez pas timide, parlez de ce que vous faites et de ce qui vous intéresse. Personal branding quand tu nous tiens…

Temps indicatif : 6h par mois

#4. Veille et études

Vous travaillez sur des métiers en perpétuelle évolution, il est crucial de rester à la page, et cela ne va pas de faire tout seul. Vous devez pour cela effectuer une veille scrupuleuse sur votre secteur.

Le début et la fin de journée sont généralement de bons moments pour la veille et la recherche.

Le matin, cela permet de se mettre le pied à l’étrier en douceur. On s’informe tranquillement, un café fumant à la main. En fin de journée, c’est souvent la dernière chose que l’on soit capable de faire. La tête farcie, on lâche son ouvrage et on fini d’user ses yeux fatigués sur les articles et études que l’on a mis de côté.

Temps indicatif : 10h par mois

#5. La formation

Pour la formation, c’est autre chose. Il est préférable d’y consacrer un moment où l’on a toute son énergie et sa capacité de concentration. Une journée entière, c’est l’idéal. On a le temps de se familiariser avec son nouvel environnement et de décrocher quelques petites victoires encourageantes. Combien de jours par mois faut-il consacrer à l’autoformation ? Dur de répondre à cette question, cela dépend des moments et il n’est pas toujours facile d’isoler ce temps d’apprentissage du temps de production, les freelances apprenant souvent en faisant. S’il fallait donner un ordre de grandeur, nous pourrions partir sur un minimum d’une journée par mois. Ces journées peuvent être planifiées en avance, mais peuvent aussi se décréter spontanément.

Lorsqu’on a un petit coup de mou, une baisse de motiv, un passage à vide, se faire une bonne journée de formation fait du bien. On s’évade du quotidien et de ses contingences et on a l’impression de progresser sur quelque chose de tangible. C’est un bon moyen de relancer la machine.

Temps indicatif : 8h par mois

#6. Le networking

La tête dans le guidon, concentré sur notre travail, on a vite fait d’oublier le monde extérieur et, le temps passant, on finit par disparaître des radars. Notre réseau naturel garde un souvenir ému de notre personne et l’on va tranquillement rejoindre le rayon des archives. Dommage ! D’autant plus dommage que contrairement au networking de conquête, ce networking de conservation ne demande que peu d’efforts (envoyer un petit mail, passer un rapide coup de fil), c’est même bien souvent un plaisir de retrouver les vieux compagnons de route. Alors pourquoi se priver ?

Nous vous prescrivons donc une infusion de vieille branche, une fois par semaine minimum. À prendre matin, midi ou soir.

Comme un jardinier, vous prenez maintenant soin de votre réseau historique, c’est bien, mais il faudra aussi vous faire chasseur pour aller provoquer les nouvelles rencontres qui viendront ouvrir de nouvelles portes. Quel que soit votre métier et votre secteur d’activité, il existe des événements rassemblant les professionnels que vous avez intérêt à rencontrer. Sélectionnez ces événements soigneusement et bloquez la date dans votre calendrier. Faites cet effort au moins deux fois par mois.

Temps indicatif : 8h par mois

***

TOTAL DU TEMPS PASSÉ SUR LES TÂCHES PÉRIPHÉRIQUES : 49H PAR MOIS

***

#7. La production

Ces tâches périphériques vous prendront autour de 50 heures par mois, environ un tiers de votre temps de travail total (si vous arrivez à vous tenir à des horaires raisonnables, ce qui est quand même l’objectif). Si l’on part sur une base de 150 heures de travail effectif par mois (37,5 heures par semaine), il vous reste donc, chaque mois, 100 heures de travail à dédier à la production.

Moralité…

Consacrer un tiers de votre temps de travail à des tâches périphériques peut vous sembler énorme, mais c’est ce qui vous permettra de développer votre activité de freelance sainement et durablement. Gardez bien à l’esprit ce ratio au moment de fixer votre Taux Journalier Moyen. Vos heures de production facturées à vos clients doivent pouvoir financer toutes ces tâches structurelles sans lesquelles vous ne pourriez exercer correctement votre métier (de la même manière qu’une entreprise incorpore, aux prix de ses produits, ses dépenses commerciales, marketing, R&D et tous ses coûts de structure).

Car, en réalité, un freelance ce n’est pas juste un expert indépendant, c’est une petite entreprise miniature, un MVP d’entreprise, un bonsaï délicat et fragile.

Dites-vous aussi que chaque tâche peut être le repos d’une autre et qu’il est sain d’alterner les différents types de travail. Ne faire qu’une seule et même chose finirait, à la longue, par vous démotiver. L’important est la manière dont vous parvenez à établir le phasage de toutes ces activités.

Précisons enfin, s’il est besoin de le faire, que nous ne donnons ici que des préconisations d’ordre général. Le dosage de chacun de ces temps dépend bien entendu de votre métier, un journaliste n’aura pas le même planning qu’un consultant SEO ; l’emploi du temps d’un coach n’est pas celui d’un développeur. Il dépendra aussi de votre personnalité, de vos goûts et du niveau de maturité de votre activité.

Quoi qu’il en soit, il vous revient d’articuler intelligemment ces différents temps du travail si vous voulez que votre expérience en freelance ne soit pas un feu de paille, mais qu’elle conduise à une véritable carrière, base solide d’une vie libre et féconde.


Photo de couverture : Alex Guillaume
Photo #2 : Srikanta H. U

Antoine van den Broek
Rédacteur en chef d’Amédée

Indépendant, frère-fondateur de Mutinerie, penseur, acteur et témoin des nouvelles formes de travail, passionné par le développement de communautés, j’aime faire des rencontres et raconter des histoires, deux activités auxquelles je peux me livrer par la grâce d’Amédée

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