Les modes de logement alternatif des freelances8 minutes de lecture

Quand on est freelance, se loger peut être compliqué. Mais batailler pour décrocher un bail ou ou une colocation dans une grande ville où la compétition est rude et les dossiers en béton, ce n’est pas une fatalité. Amédée explore quelques manières de vivre autrement.

Digital nomadisme

Pour certains, être freelance, c’est surtout être un digital nomad : pouvoir vivre et travailler de n’importe où représente pour eux l’attrait principal de la vie non-salariée. Certains partent quelques mois par an à l’autre bout du monde, d’autres s’installent plus ou moins durablement dans une nouvelle ville ou un nouveau pays, et puis d’autres enfin poussent la logique jusqu’au bout et deviennent véritablement nomades. C’est le cas par exemple de Rony Dray, ancien freelance spécialisé dans le développement web et e-commerce, qui a décidé fin 2017 de “devenir Digital Nomad”, comme il l’explique sur son site. Depuis, il sillonne la France dans son van aménagé, “dans le but de mettre en lumière des habitats partagés et des lieux alternatifs”.

Benjamin Quesnel, lui, n’a pas changé de métier : il s’est lancé en freelance dans le marketing à peu près au même moment où il a décidé d’embrasser la #vanlife, à bord d’un van de 1984 qu’il a retapé et avec lequel il sillonne les routes de Californie et du Mexique. “J’ai acheté un van pour le retaper, sans avoir en tête d’emménager dedans. Et puis ce projet est devenu une espèce de passion, j’ai rencontré des gens qui vivaient dans leurs vans et avaient des métiers sympas, et sans m’en rendre compte j’ai commencé à me laisser tenter par ce mode de vie, qui implique de se déraciner un peu”, retrace-t-il. Il y a quelques mois, alors qu’il se lance en freelance, il quitte donc son appart de San Francisco, vend tout ce qu’il possède et emménage dans son van. Quand il est en ville, notamment pour ses rendez-vous, Benjamin travaille dans des espaces de co-working, chez des amis ou dans son camion, avec son téléphone pour hotspot. “C’est grisant, cette possibilité de travailler où tu veux.” Le plus compliqué, pour le moment, c’est de défendre “le temps et la liberté auxquels je prétends” auprès des clients, pas forcément habitués à travailler avec un free à temps partiel et à distance. Et puis de trouver un équilibre entre travail et voyage, “pour ne pas avoir la frustration de ne pas croquer la vie à laquelle tu t’es destiné pendant pas mal de temps.” Benjamin prépare donc deux grands voyages, l’un à la frontière du Mexique, l’autre jusqu’au Canada. Et sur le plus long terme, son espoir est que, avec un loyer en moins à payer, il puisse se permettre de ne pas travailler autant. “Je ne sais pas combien de temps ça durera, mais tant que j’ai la liberté et l’envie, et puis tant que je suis aux États-Unis, qui est quand même le pays du road trip, j’ai envie d’essayer.”

Si la vie sans attaches et le travail sur la route vous tentent, Amédée vous prépare d’ailleurs un mode d’emploi du travail nomade pour très bientôt.

Très (très) grosses colocations

En réalité, vivre là où se trouvent la majorité de ses clients n’est généralement pas une obligation, à condition de pouvoir se déplacer de temps en temps pour les rencontrer. De plus en plus de freelances partent donc vivre à la campagne, ou dans des villes plus petites et moins chères. Et dans ces zones où la tension immobilière est moindre, les modes de logement alternatifs fleurissent.

Parmi eux, il y a les “super-colocations”, qui investissent de grandes maisons et semblent particulièrement populaires en Belgique. Par exemple la fondation “Mais Oui”, installée dans un domaine de 10 hectares près de Tournai, qui rassemble 9 familles. Parmi les habitants, il y a des salariés, mais aussi des artistes, des personnes en reconversion, des chômeurs, des retraités… Le fonctionnement est celui d’une “grosse colocation”explique Céline, l’une des initiatrices du projet. Les décisions sont prises lors de réunions et grâce à un intranet ; les courses se font en commun ; un potager devrait fournir un tiers des besoins en fruits et légumes.

Ce type d’habitat partagé s’est beaucoup développé ces dernières années, notamment à la faveur de préoccupations environnementales croissantes : en effet, vivre à plusieurs permet de réduire son empreinte et de mettre en place des habitudes (comme le maraîchage ou le compostage) plus facilement que quand on est seul. Le Mouvement des Colibris, par exemple, appuie beaucoup le développement de ces lieux de vie alternatifs et écolos, qu’il appelle des Oasis. Il y en aurait plus de 700 en France.

Éco-coloc en ville

Et pour ceux qui ne veulent pas (ou ne peuvent pas) quitter la ville ? Y vivre de manière un peu différente, c’est possible aussi. Les habitants de La Maison Bleue, à Bourg-la-Reine en bordure de Paris, peuvent en dire quelque chose. Cette “éco-colocation” rassemble 14 personnes qui ont choisi de vivre ensemble pour réduire leur empreinte environnementale et inventer un mode de vie en commun. “On s’inscrit dans la mouvance des éco-lieux, mais du coup, nous, c’est urbain. C’est pour cela qu’on communique, pour montrer que c’est possible de faire des choses en zone urbaine”, explique Édouard Marchal, l’un des colocs à l’origine du projet.

Animés par leur envie d’une “sobriété de vie qui rassemble”, ils trouvent début 2015 une maison de 300 m2 proche du RER (c’est important), avec un jardin (indispensable aussi) dans laquelle ils occupent d’abord trois, puis les cinq appartements dont la maison dispose. Ils sont “moitié salariés et moitié indépendants”, tous très militants et engagés pour l’environnement dans leur métier.

Mais comment on convainc un propriétaire d’accepter un projet d’éco-colocation ? Édouard Marchal dit avoir mis du temps. “On avait des profils pas super pour le dossier, il y avait des étudiants, des stagiaires, des chômeurs. On a constitué des cellules solidaires classiques : ceux qui avaient le plus de revenus se sont mis avec ceux qui en avaient moins.” Paradoxalement, même si la propriétaire n’était pas très sensible à leur projet, le fait d’être une communauté a aidé : “Elle savait qu’on n’allait pas partir du jour au lendemain. Et puis on est beaucoup de Bac +5, d’ingénieurs, c’est bête mais ça rassure.”

Quatre ans après la création de La Maison Bleue, Édouard Marchal entend davantage parler de modes d’habitat similaires dans les villes de France : à Marseille, Montpellier, Poitiers, Lyon, Paris, etc. La Maison Bleue a d’ailleurs monté un réseau des éco-colocs et participé au Guide de la colocation écologique et solidaire des Colibris. Et eux qui se sont appelés “coloc en transition” depuis le tout début sont en train de préparer leur départ à la campagne. Décidément, l’avenir des freelances n’est peut-être pas dans les villes.

Philothée Gaymard
Journaliste indépendante

Je suis journaliste et rédactrice freelance depuis tout début 2015, après quatre ans passés chez Usbek & Rica. J’écris sur le genre, l’innovation, le développement durable et parfois un mélange de tout ça.

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