Coworking et folklore freelance9 minutes de lecture

Naguère isolés voir carrément marginaux, les freelances sont en train de sortir de l’ombre. Ils seront bientôt un million en France. Ils sont non seulement de plus en nombreux, mais aussi de plus en plus conscients. Conscients des spécificités de leur vie professionnelle, de leur mode de vie et, finalement, de leur condition. Les espaces de coworking n’y sont pas pour rien.

Une conscience collective est en train d’émerger, une culture freelance avec son langage, ses signes de reconnaissance, ses rites et ses lieux de cultes.

De là à parler de folklore freelance, il n’y a qu’un pas que vous propose d’exécuter devant vous.

Mutinerie fut pour moi un poste d’observation privilégié. En sept ans, j’ai vu le phénomène freelance se développer et s’affirmer.

Je peux dire que les espaces de coworking ont servi de terreau à l’émergence de cette culture freelance.

C’est en se côtoyant au quotidien que les freelances ont pris conscience de tout ce qu’ils ont en commun, au-delà des métiers et des secteurs d’activité. Nous avons souvent besoin d’une confirmation sociale pour admettre une réalité. Seul, on a tendance à imaginer être un cas particulier.

Les événements organisés au sein des espaces de coworking, mais aussi les innombrables échanges informels lors de pauses-café, de déjeuners ou d’apéros, ont permis à chacun de prendre conscience de tout ce qu’il partage avec les autres freelances, quels que soient leurs backgrounds et leurs âges.

On trouve des oreilles attentives – et compréhensives – pour écouter nos difficultés, et on a des “collègues” avec qui célébrer nos victoires. J’ai vu des freelances pleurer dans les bras de leurs pairs après un échec. J’en ai vu prêter leur appart à un coworker en difficulté. J’en ai surpris rassemblés autour d’une bonne bouteille en plein milieu d’après-midi pour fêter le succès de l’un des leurs. J’ai vu de coworkers devenir amis, tomber amoureux, se marier, avoir des enfants. Et il y a aussi pas mal de choses que je n’ai pas vues…

L’archipel freelance

Autour de chaque espace de coworking se sont constituées de petites tribus beaucoup plus solidaires que ce que l’on peut imaginer de l’extérieur. Des tribus connectées et interconnectées.

Rappelons que le coworking, lorsqu’il était encore un mouvement et pas encore un marché, s’est développé autour des idées de partage et de mutualisation héritées du monde du logiciel libre. Ces valeurs communes reposaient sur cinq piliers.

Voici un extrait (en VO) du Coworking Wiki, matrice originelle du mouvement :

“We have all committed to the same core values.  Our values are:

  • Collaboration
  • Openness
  • Community
  • Accessibility
  • Sustainability 

To learn more, head to “The Values of Open Coworking”

Cet ADN libriste explique l’incroyable interconnexion de ces espaces indépendants pourtant si hétérogènes dans leurs fonctionnements, leurs modèles économiques et leurs réalités culturelles. Répartis aux quatre coins du monde ces tribus de freelances tissaient des liens allant jusqu’à former un véritable tissu social – au-delà des limites géographiques et culturelle habituelles.

Lors de mes voyages, j’avais pris l’habitude de m’arrêter dans les espaces de coworking locaux. De Bogota à Moscou, en passant par Taipei, Londres, New York, Singapour, Barcelone, Lisbonne, Nice, Nancy ou Saint-Victor de Buthon, je retrouvais une ambiance familière.

Au-delà des contingences culturelles propres à chaque zone géographique, flottait un même esprit de liberté et d’ouverture. Je retrouvais aussi des codes communs, que ce soit dans le choix du mobilier, le type d’événements organisés, ou les outils utilisés.

Dans chacun de ces espaces, on retrouvait – en version locale – le même type de profils et de personnalités. Je m’étais d’ailleurs amusé à en faire un petit bestiaire (en Anglais)

Si vous êtes familier de ce genre d’espace, jetez-y un œil, vous reconnaîtrez sûrement quelques camarades… 

Pour moi, ces espaces étaient comme des ambassades. J’y retrouvais toujours un peu de Mutinerie. Partout, j’étais chez moi. Un peu comme au MacDo, pour prendre une image particulièrement malvenue…

J’y passais quelques heures et j’en sortais avec des contacts de professionnels locaux, une vision approximative de la scène startup du moment, mais aussi des bonnes adresses de resto, des invitations à des événements et toutes sortes de recommandations.

Rites et rituels

Chaque espace avait ses rituels. À Mutinerie, nous avions l’Apéripitch où les nouveaux se présentaient aux anciens. Nous avions les nocturnes, les Dejs des Experts, le Startup Football Clash, les soirées œnologie, les soirées Ivres Ensembles… À Dakar comme à Rio, à Casablanca comme à Berlin, des événements de ce type avaient lieu. 

Ces événements formels ou informels, ces références communes ont fini par constituer une nouvelle normalité au point d’oublier comment les choses se passent dans le monde de l’entreprise traditionnelle. Mes incursions dans l’univers corporate étaient devenue de voyages exotiques.

En France, des événement d’envergure comme la Freelance Fair contribuèrent à donner une réelle visibilité au phénomène freelance. Les médias traditionnels étaient maintenant de la partie.

À travers le regard de l’autre, on prenait conscience de notre existence en tant que groupe, en tant que classe.

Nous partagions des récits, des rites, des outils, des techniques, des représentation et des croyances communes.

Avec le temps, sans que l’on s’en aperçoive, était né un début de folklore…

Un folklore freelance.


Photo de couverture :
Manyu Varma
Photo #2 : Manyu Varma

Antoine van den Broek
Rédacteur en chef d’Amédée

Indépendant, frère-fondateur de Mutinerie, penseur, acteur et témoin des nouvelles formes de travail, passionné par le développement de communautés, j’aime faire des rencontres et raconter des histoires, deux activités auxquelles je peux me livrer par la grâce d’Amédée

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