Digital Nomad vs Digital Settler6 minutes de lecture

La figure du digital nomad fascine. Mobile, connecté, libéré de toute contrainte géographique, il est l’archétype du bon vieux futur of work, le fantasme absolu du salarié coincé entre quatre murs, l’ultime étape de l’évolution de l’homo laborius.

Mais, alors que tous les regards se portent vers cette figure bruyante et bigarrée, d’autres freelances mènent une vie bien différente. Apparemment assignés à résidence, ces pauvres diables évoluent dans l’espace de quelques pâtés de maisons. Est-ce la peur de l’inconnu ? Le manque d’ambition ? L’habitude de la laisse ?

À moins que…

Ma liberté dans ta gueule

Liberté, j’écris ton nom (sur Instagram)

“Aujourd’hui, nos vies sont visibles, la bulle est transparente. La servitude professionnelle est de plus en plus médiatisée. Chacun dispose de nombreux éléments lui permettant d’évaluer le degré de réussite de l’autre. L’argent n’est plus le maître étalon… il y a maintenant le nombre de friends…” Écrivais-je début 2011 (l’article en question a récemment quitté le World Wild Web). À l’époque, Instagram n’avait pas six mois…

Depuis tout s’est accéléré. Sur les réseaux sociaux, chacun est invité à étaler sa coolitude. Une photo en train de bosser les pieds dans l’eau, paf, on envoie ça aux copains qui triment à la Défense. Faire des jaloux pour se rassurer. Liberté bling-bling et revancharde.

Alors on mélange tout : la liberté et le mouvement, l’estime et l’envie, pouvoir et devoir.

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Joachim du Bellay

Éloge de l’immobilisme

“For as much as we overrate the joys of long-term travel, we’re also too quick to dismiss how much meaning we can draw from growing roots where we’re planted.” témoigne Niklas Göke, dans son article What’s The Opposite Of A Digital Nomad ?

Voyons ce qui peut bien motiver le choix de notre brave Digital Settler ? Quel usage fait il de sa liberté de freelance ? Quel est le sens de son enracinement ?

D’abord, sa liberté lui permet de limiter au maximum ses déplacements. Opposition frontale avec son cousin Digital Nomad ! Car oui, le transport est souvent un temps mort, pénible et énergivore. Pouvoir s’extraire des flux et de la masse est l’une des grandes joies de la vie de freelance. Et quand il faut vraiment bouger, on se débrouille pour le faire aux heures creuses, à contre-courant.

Ensuite, parce que le freelance a profondément besoin d’une routine. Sans boss, sans bureau, sans horaires, il est livré à lui-même. S’il veut durer, il est essentiel qu’il mette en place de bonnes habitudes. Ces habitudes prendront le relai de sa volonté, elles deviendront des réflexes, et lui permettront de trouver son rythme.

Et puis, ayant la liberté de bosser d’où il veut, notre freelance a probablement choisi son lieu de résidence. Qu’il ait choisi de demeurer là où il a grandi, qu’il ait quitté la ville pour la campagne ou l’inverse, qu’il ait choisi l’expatriation, on peut espérer qu’il se sente bien là où il se trouve. Dans ces conditions, il est naturel qu’il souhaite passer du temps là où il vit. Aucune raison de fuir on se sait où.

Enfin, si le besoin de découvrir est essentiel, celui de construire n’en est pas moins important. Nous naviguons tous entre ces deux pôles. Contribuer à la vie de son quartier ou de son village, creuser son sillon, s’enraciner… Voilà une ambition qui vaut bien des voyages.

Et notre conjoint n’est peut-être pas aussi mobile que nous le sommes, les enfants finissent par avoir besoin d’un peu stabilité… Le jour finit par arriver où il faut poser ses valises.

On pourrait aussi mentionner l’empreinte carbone…

Finalement ce qui est vraiment libérateur dans la vie de freelance, ce n’est pas de bouger tout le temps mais c’est la possibilité qui nous est donnée de pouvoir choisir notre mode de vie. Qu’il s’agisse de parcourir le monde ou, plus simplement, de profiter d’un quotidien qui nous plaît.

Photo de couverture : Free To Use Sounds
Photo #2 : Arno Smit

Antoine van den Broek
Rédacteur en chef d’Amédée

Indépendant, frère-fondateur de Mutinerie, penseur, acteur et témoin des nouvelles formes de travail, passionné par le développement de communautés, j’aime faire des rencontres et raconter des histoires, deux activités auxquelles je peux me livrer par la grâce d’Amédée

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