Le collectif, l’anti-plateforme ?7 minutes de lecture

« Les plateformes sont de mieux en mieux faites, mais confier son travail à un inconnu m’est toujours difficile. » Cette phrase est sensée, toutes époques et générations confondues. Quand je demande autour de moi « collectif ou plateforme ? », c’est presque toujours le collectif qui l’emporte. Les temps actuels renforcent pourtant ces deux pôles. Les plateformes sont omniprésentes. Toutes les transactions trouvent leur plateforme. Vous cherchez un freelance : bien sûr qu’une plateforme existe pour cela ! Vous cherchez des légumes de saison : une plateforme existe pour cela ! Vous cherchez une assurance pour votre bateau : une plateforme existe pour cela !

Dans notre monde qui désire de l’instantanéité, de l’hyper-connexion sans aucune frontière, la plateforme est l’outil du siècle.

Si cet adage dit vrai « pour être un bon homme d’affaires, il faut être un bon intermédiaire », alors la plateforme a encore de beaux jours devant elle. Face à elle, le collectif se renforce tout autant. Par réaction, par opposition, par équivoque, par nécessité, par équilibre.

Le collectif n’est pas de cette époque, mais de toutes les époques.

Toujours là, car ontologiquement nécessaire, et de toutes les sortes également : par profession, par intérêt, par croyance, etc. Il y a eu et il y aura un collectif, car, pour faire court, les Hommes sont grégaires. Donc, face à la facilité de la plateforme, pourquoi le collectif l’emporte-t-il ? Devant l’infini qu’offre la plateforme, comment le collectif résiste-t-il ? Enfin, voulons-nous d’une telle opposition ?

Je suis à la tête d’un espace et d’une communauté de coworking : autant dire d’un collectif. Mon travail principal est d’offrir une culture qui permette à mes membres de s’épanouir tant professionnellement que personnellement. C’est beaucoup de travail.

Toutes les personnes qui nous rejoignent partagent un même point commun : elles veulent fuir la solitude et rompre avec l’isolement.

En poussant la porte de leur futur espace de coworking, je leur fais deux promesses : la première est qu’elles trouveront les raisons pour revenir et rester, la seconde est qu’elles appelleront cet espace de travail « mien ». Ainsi, à l’instar des collectifs de tous les âges, la confiance et l’appartenance sont les clefs de voûte du coworking d’aujourd’hui. Il n’est pas étonnant de voir ces espaces et ces communautés fleurir partout.

Aux Satellites, les gens se parlent, se connaissent – ai-je vraiment besoin de préciser cela ? – et travaillent ensemble. Les recommandations pleuvent, les réputations se font, les amitiés naissent, et cela, chaque jour, chaque semaine, chaque mois depuis presque 7 ans. Le coworking illustre bien les avantages du collectif – les relations intentionnelles du monde réel -, du local – le lieu de travail comme repère – et de l’immersion – confiance et appartenance qui prennent du temps. Jusqu’à preuve du contraire, pas une seule plateforme n’atteint ces sphères-là.

Nous pouvons imaginer le collectif comme une interprétation géniale qui solidarise face au système de la plateforme, dur et froid, qui ne rend que service.

En somme, d’un côté, Voltaire, cultiver son jardin, se connaître soi-même, la sédentarisation ; de l’autre, Colomb, l’Eldorado, l’exploration, le nomadisme. Récemment, le monde des freelances a fait naître celui des C.A.E. (Coopérative d’Activités et d’Entrepreneurs) pour tenter de s’émanciper face à une situation professionnelle jugée précaire, déséquilibrée et inégalitaire. Ce n’est pas le terrain de jeu des plateformes. Ces dernières jouent une autre partition.

« Là, j’ai un Indien qui, pour rien, me fait une vidéo d’animation pour présenter ma boîte. ». C’est cru, c’est vrai et c’est imbattable. C’est, qui plus est, le témoignage d’un membre de mon espace de coworking qui, comme plein d’autres, a déjà eu recours aux plateformes pour trouver un prestataire ou un service. À chaque fois, ce sont les mêmes logiques : rapidité et économie. En creusant un peu, on découvre un léger besoin de nouveauté, de surprise et de risque qui en valent, donc, le prix. La plateforme est un plus. Avant d’être ce qu’elle est devenue aujourd’hui, Covoiturage.fr (ex-Blablacar) était « cool ». Avant d’être ce qu’elle est devenue aujourd’hui, Airbnb était « cool ». Idem pour Twitter et pour tant d’autres : la « coolitude » est peu à peu aspirée par les mécanismes, la transaction, la prise d’échelle.

La plateforme, c’est parfois ce lièvre qui court aux côtés de la tortue, ou bien cette grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf : elle en fait souvent un peu trop, on décide alors de la garder dans un coin (un onglet, une app., etc.).

Au fond, la plateforme n’est pas le problème : nous avons besoin de lieux pour explorer, nous rencontrer, nous divertir et pour apprendre. Ces lieux peuvent être en ligne ou bien réels. Le collectif, depuis longtemps, a compris cela.

Nicolas Bergé-Gaillard
Fondateur des Satellites

Tête pensante des Satellites. JFDI Padawan. Ceinture noire de coworking. Skieur Foux des terrains glissants

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