L’art du pivot chez les freelances9 minutes de lecture

Celles et ceux qui ont fréquenté le « milieu startup » sont familiers du concept de pivot.

Pour les autres, voici la définition que l’on peut trouver sur definitions-marketing.com : « Dans le domaine de “l’économie digitale” le terme de pivot est généralement utilisé pour désigner le fait qu’une startup change son business-model et / ou son offre de produits ou services. Les pivots sont typiques des domaines de l’Internet et des nouvelles technologies dans la mesure où l’environnement est très mouvant et par le fait que, par nature, la pertinence d’une nouvelle offre de service peut être remise en cause lorsqu’elle est durablement confrontée au marché. Un pivot est par ailleurs plus “facile” à mettre en œuvre dans une entreprise qui n’est pas encore réellement installée sur son marché, notamment lorsqu’il s’agit, comme souvent, d’une question de survie. »

Confrontés eux aussi à un environnement mouvant, agiles par nature et pragmatiques par nécessité, les freelances pivotent eux aussi – à leur manière…

Voici les trois pivots que j’ai pu observer le plus souvent.

Le pivot sectoriel

Vous restez sur la même expertise, mais changez de secteur.

C’est sans doute le pivot le plus commun.

Ce pivot peut signifier se diriger vers un nouveau secteur que l’on a identifié comme étant plus intéressant que celui dans lequel on opère historiquement. Après avoir travaillé comme vidéaste freelance, essentiellement dans l’événementiel où se trouve votre réseau naturel (depuis les premières soirées électro que vous organisiez à 20 ans avec vos deux potes d’enfance), vous décidez de vous spécialiser dans le tournage de vidéos corporate pour la communication interne de grands-groupes. Et oui… Le COVID est passé par là et vous attendez un petit second pour le printemps…

Cela peut aussi signifier choisir une niche dans un secteur que l’on connaît déjà : une traductrice qui décide d’arrêter de prendre tout ce qui vient pour se spécialiser sur des traductions techniques en lien avec le secteur médical et l’industrie pharmaceutique, par exemple.

Le pivot sectoriel est le moins compliqué à effectuer dans la mesure où il ne nécessite pas l’acquisition de nouvelles expertises ou compétences. Certes, il vous faudra apprendre les codes du secteur, produire du contenu ciblé pour attirer l’attention de prospects qui n’ont pas encore entendu parler de vous, développer de nouveaux réseaux… mais les compétences de bases (captation, montage, etc.), vous les avez déjà – pour reprendre l’exemple de notre vidéaste freelance.

Le pivot d’expertise

Vous restez dans le même secteur, mais vous changez d’expertise.

Ce pivot est plus long à effectuer que le précédent, car il nécessite de nombreuses heures d’auto-formation.

Vous travaillez comme graphiste print depuis des années, et vous décidez de vous ré-orienter vers l’UX / UI, car vous constatez une forte demande sur ces expertises. Vous maîtrisez déjà un certain nombre d’outils de création graphique qui vous seront bien utiles pour la création de vos mockups, mais vous devez quand même apprendre un nouveau métier avec ses règles et ses méthodes.

Cela peut aussi signifier se lancer sur un nouveau langage de programmation, passer du métier de community manager à celui de content-marketer, ou quitter la photo pour le motion design…

Pour éviter d’avoir à la fois un nouveau métier à apprendre et un nouveau réseau à développer, il est préférable de rester dans le même secteur. Si vous étiez community manager pour des plateformes de l’économie collaborative, il sera plus naturel et plus facile d’établir votre activité de content-marketer dans le même secteur.

Le pivot « chaîne de valeur »

Vous vous repositionnez dans la chaîne de valeur.

Dans la plupart des cas, il s’agit de remonter la chaîne de valeur.

Vous travaillez comme presta pour des agences qui packagent vos services avec ceux d’autres freelances, et les vendent pour un prix évidemment supérieur à la somme des parties. Après 5 ans à travailler ainsi, vous décidez de revoir votre positionnement : vous étiez expert en FB Ads et vous voilà maintenant expert en marketing digital. Cela peut arriver parce que vous avez acquis des compétences connexes à votre expertise d’origine, ou parce que vous vous associez ponctuellement à d’autres freelances, experts dans les domaines que vous maîtrisez moins (ici par exemple : un expert SEO, un virtuose de l’email marketing, et un spécialiste de Pinterest).

Ce type de pivot se fait parfois sans que l’on en soit vraiment conscient : le client pour lequel vous bossez depuis 3 ans a confiance en vous et s’en remet à votre jugement pour avancer sur des sujets plus vastes que la mission pour laquelle il a initialement fait appel à vous « tu dois bien connaître un expert SEO ! Ça doit se trouver dans ton coworking. ».

Ou alors c’est vous qui poussez dans ce sens « écoute Patrick (le client), ça ne sert à rien de continuer à dépenser 10.000€ par mois en FB Ads si tu n’as pas un funnel propre derrière. Je te ramène des leads que tu n’es pas en mesure de faire avancer, veux-tu que je m’occupe aussi du bas de funnel ? » Et vous proposez à votre amie Nora, reine de l’email marketing, de prendre en charge cette partie de la mission

En remontant la chaîne de valeur, votre rôle va évoluer vers des fonctions moins opérationnelles. Vous allez passer plus de temps sur de la stratégie, de la coordination et de la relation client. Vous découvrirez peut-être que cela est fait pour vous, ou, au contraire, vous constaterez que ce n’est pas votre tasse de thé et vous vous recentrerez sur votre activité initiale.

Avec ce genre de pivot, on se retrouve généralement dans une position de conseil : un client fait appel à vous pour l’aider à préciser un besoin et pour recevoir des recommandations. Recommandations qui pourront ensuite être implémentées par vos soins et/ou par ceux de vos partenaires freelances.

À lire FREELANCE, ET APRÈS ?

Même si cela est moins commun, il arrive aussi que l’on décide de descendre la chaîne de valeur pour se concentrer sur la tâche qui nous plaît vraiment et pour laquelle nous avons un goût particulier et des facilités.

C’est le cas par exemple d’un content strategist qui, fatigué des missions complexes avec tout le travail de coordination et de relation-client qui va avec, décide de se recentrer sur son premier amour : l’écriture pure et dure. Ce move n’est pas un déclassement, le freelance peut faire du haut de gamme et peut se spécialiser sur un type d’écriture à forte valeur ajoutée : articles techniques élaborés pour un secteur bien précis (droit, architecture, gestion de patrimoine…), production de livres blancs, rédaction de note de synthèse ou de discours pour des dirigeants du CAC 40…

Si vous êtes freelance, c’est aussi pour travailler sur ce qui vous plaît, il est important de le garder en tête quand les sirènes de la croissance commencent à vous faire tourner la tête.

Antoine van den Broek
Rédacteur en chef d’Amédée

Indépendant, frère-fondateur de Mutinerie, penseur, acteur et témoin des nouvelles formes de travail, passionné par le développement de communautés, j’aime faire des rencontres et raconter des histoires, deux activités auxquelles je peux me livrer par la grâce d’Amédée

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