Emmanuelle, indépendante à l’état sauvage6 minutes de lecture

Emmanuelle aime Paris. Pendant une vingtaine d’années, elle s’est grisée du foisonnement de la capitale, de la richesse de sa vie culturelle et festive. C’est à Paris qu’elle a tissé son réseau, qu’elle a monté sa boîte et qu’elle a eu son fils. Et pourtant, un beau jour, elle décide de quitter cette ville aimée pour s’installer dans la Drôme. Ce départ ne s’est pas fait sans craintes ni sans efforts. Il lui a fallu revoir intégralement le fonctionnement de son agence, s’intégrer sur un territoire inconnu, trouver ses marques et son rythme. C’était il y a cinq ans. Et le bilan qu’elle en fait aujourd’hui donnerait des envies de départ au plus citadin des rats des villes…

Quel est ton métier ?

Je crée des stratégies de communication et je gère les relations presse et les relations publiques pour des projets engagés dans la transition écologique, numérique ou sociale.

Depuis combien de temps es-tu indépendante ?

Depuis dix ans cette année !

Que faisais-tu avant d’être à ton compte ?

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai déjà eu plusieurs vies : je suis passé par un DEA de droit obligations civiles et commerciales, mais je n’en ai pas fait mon métier. J’ai vite constaté que mes aptitudes étaient davantage du côté de la communication et je suis repartie en formation.

J’ai ensuite été responsable d’un des premiers sites de vente par internet des produits SONY en 2000. Après j’ai été chef de projet dans le secteur de la musique et puis est arrivée l’incroyable aventure de la naissance de mon fils tout en étant célibataire…

En 2004, j’ai croisé le chemin d’une des premières agences de communication spécialisées en développement durable, Rendez-Vous RP. C’est le déclic. En 2007, après trois ans en tant que directrice de clientèle, c’est à mon tour de lancer emmapom pour faire bouger les lignes.

Pourquoi avoir fait ce choix ?

Lorsque j’ai lancé emmapom, je voulais être libre le plus possible de mon emploi du temps. En étant seule avec mon fils, c’était insupportable de faire les heures de bureau pour après courir pour aller le chercher à la crèche. Ce n’était pas une décision facile, car rien dans mon parcours ou mon éducation ne m’avait amené jusqu’à alors à envisager de quitter le statut de salarié et sa sécurité. C’est un ami, Tristan Lecomte, fondateur d’Alter Eco et de Pur Projet qui m’a dit « mais vas-y, tu vas voir, c’est génial ». Et il m’a aidé un dimanche à faire un business model pour entrer en pépinière.

Je crois que j’y suis allée surtout parce que j’avais envie de créer ma vie au-delà des codes établis tout en apportant ma part à la transition sociétale qui commençait déjà à poindre. Avec emmapom, je me suis inscrite dans le réseau parisien des acteurs engagés. Objectif  : transition écologique, numérique et sociale. Ce réseau est devenu une deuxième famille qui continue à s’enrichir et évoluer avec le temps.

Quel est ton statut (AE, SARL, SASU, Coopérative d’activité et d’emploi…)

J’ai monté une SARL

Où t’es-tu installée lorsque tu as quitté la ville ?

Je me suis installée dans la Drôme en 2012. Ma maison est cachée dans la montagne, le village s’appelle Piegros La Clastre, juste à côté de Saillans connu pour sa démocratie participative. Ici, je profite d’une qualité de vie de haut vol. Le midi, pour ma pause, je vais marcher un peu et je grignote en chemin.

Pourquoi avoir pris cette décision ?

Lorsque j’étais encore à Paris, emmapom comptait quatre salariés et je me suis rendue compte que, si je n’aimais pas être salariée, être patron ne me plaisait pas non plus.

J’ai alors demandé à Bernard-Marie Chiquet d’IGI Partners d’implémenter l’Holacratie, gouvernance en intelligence collective pour un pouvoir distribué. Ça a été une grande expérience, j’ai été tellement passionné par cette nouvelle manière d’appréhender le pouvoir que je me suis formée facilitatrice et coach.

Pour emmapom, il en est notamment sorti deux politiques : 1/ la fin des contrats salariés pour la structure. 2/ emmapom ne serait jamais vendu, elle n’était plus en soi un capital. Avec ces deux politiques, il était alors possible qu’elle devienne le lieu de travail d’indépendants fédérés par une intelligence collective et une raison d’être : faire bouger les lignes.

Cette nouvelle organisation plus souple et plus responsabilisante m’a permis de déménager en mettant en place les nouveaux outils numériques de travail à distance et en organisant mon temps pour pouvoir me rendre régulièrement à Paris où se trouvent de nombreux clients et partenaires.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?

Pour moi, être indépendant, c’est prendre la pleine responsabilité de ma vie et du monde dans lequel je m’inscris.

Avec une telle posture, rien n’est vraiment difficile, car ce chemin est une magnifique aventure qui me permet tous les jours d’avancer, de me perfectionner, de mieux me connaître.

Par contre, comme emmapom a toujours suivi la courbe de l’avant-garde, il y a eu des hauts et des bas dans l’activité, et il m’a fallu tout au long de ces 10 ans garder la confiance pour prendre les risques de changement nécessaire à sa survie.

Il y a 5 ans, avec ce déménagement, j’ai eu peur de ne pas pouvoir continuer mon activité, le plus dur à été de prendre la décision, de calmer ma peur de l’inconnu. Finalement, c’est l’inverse qui s’est produit : depuis que l’équipe a toute sa souplesse de fonctionnement, emmapom est beaucoup plus créative.

Qu’est-ce qui te plaît le plus ?

Avoir cette double vie : rurale et urbaine, car je reviens quand même très souvent à Paris.  Pouvoir prendre ce pas de recul sur le tourbillon parisien qui amène trop de décentrage personnel si on n’y fait pas gaffe. Apprendre de tous ceux qui vivent vraiment avec leur corps ici, dans cette magnifique vallée. Créer un réseau de potes qui m’ancre sur ce territoire, comme jamais je n’avais encore connu. Reconsidérer ce que je prenais pour vérité. Avoir une qualité de vie exceptionnelle. Et aujourd’hui, à côté du boulot, depuis cette année, commencer une formation de Gestalt Thérapie, là tout près de chez moi.

Si tu avais un conseil à donner à un(e) indépendant(e) qui souhaite s’installer à la campagne, quel serait-il ?

Vas-y ! Tu as tout à y gagner. Juste, peut-être, faire attention à la distance…

Pour ma part, c’est 2h15 de TGV et c’est parfait : le temps de finir une reco à l’aller, et, au retour, de lire, de méditer, ou de regarder un film parce qu’au retour en général, après tous mes rendez-vous, je suis quand même fatiguée, et c’est parfait pour redescendre tranquillement avant de revenir dans le calme d’ici.

Une lecture à recommander ?

Les Guerriers du Silence de Pierre Bordage. C’est de la science-fiction prospectiviste, c’est toujours bien de s’ouvrir la tête avec ce monde en complète mutation !

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