Freelances, l’art de dompter l’espace-temps13 minutes de lecture

Les freelances évoluent dans un espace-temps bien différent de celui des salariés. Voici quelques conseils pour en éviter les écueils et en tirer le meilleur.

Le temps, c’est sans doute le paramètre le plus important lorsque l’on est freelance. Fondamentalement, nous vendons notre temps, et nos compétences qui prennent du temps à acquérir. Il est donc indispensable d’apprendre à l’estimer, le mesurer et l’employer correctement.

En principe, le temps, c’est ce qui nous place tous (un peu) à égalité. Que nous soyons fortunés ou démunis, jeune ou vieux, une journée dure toujours invariablement 24 petites heures. 24h dans lesquelles il nous faudra loger nos activités professionnelles en essayant de garder une vie à côté.

Pourtant, depuis Einstein, on sait que le temps est relatif. Tout procrastinateur amateur en a déjà fait l’expérience. Nous les avons connues ces heures qui filent comme des minutes parce qu’on avait entrepris un petit rangement de cuisine avant de se mettre au travail, celles qui disparaissent dans des vidéos Youtube, celles qui s’accumulent dans de petites tâches aussi longues qu’ingrates en retardant tout un projet et celle qui semble durer une éternité lors d’une réunion barbante.

Loin de défiler de manière linéaire, le temps semble se concentrer ou se dilater selon des lois quantiques qui échappent à l’entendement du commun des mortels.

Amédée s’est lui-même bien souvent égaré dans les méandres du temps, il s’est perdu dans ses replis, s’est attardé dans ses courbures les plus voluptueuses et a même parfois frôlé des trous noirs où la notion même de temps perd tout son sens. Mais il en est ressorti plus fort pour vous livrer aujourd’hui ses conseils de connaisseur.

Des courbures dans l’espace-temps

Dans une entreprise, le temps suit un cours plus ou moins régulier, les missions sont cadrées, les objectifs plus ou moins affichés, les horaires sont réglés et les collègues sont là pour vous rappeler à vos obligations quotidiennes. Le bureau, fidèle et immuable vous imprègne de son énergie productive (en théorie tout au moins) ; vous êtes dans un lieu dédié au travail, à une heure consacrée au travail et entouré de gens qui travaillent. Le temps donne l’impression rassurante mais trompeuse de s’écouler de manière linéaire.

Mais lorsque vous quittez cet environnement, la gestion du temps devient une autre paire de manches. Le bureau, qui parfois vous corsetait était aussi un milieu qui vous structurait. Sans lieu de travail fixe, sans horaires établis, sans collègue, sans pression externe explicite, le Temps vous apparaît sous un tout autre aspect. Quand parfois, derrière nos écrans, fébriles et déprimés par une journée improductive, nous regardons l’Horloge et le jour qui décline, le spleen de Baudelaire nous saisi :

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !

Charles Baudelaire

Le poids des habitudes

Nous sommes ce que nous répétons chaque jour. L’excellence n’est pas un acte, mais une habitude.

Aristote

Il est très rare de croiser des gens qui tirent leur productivité d’une pure discipline ou d’un effort de volonté totalement désincarné, des sortes d’ascètes professionnels qui puisent leur énergie d’eux-mêmes, indépendamment des circonstances ou de l’environnement. Pourtant, c’est l’image que l’on se fait trop souvent de la performance, une image qui nous place en situation d’échec, car la comparaison nous renvoie à notre faiblesse de caractère et de volonté.

Mais l’une des clés du succès pour les entrepreneurs à succès, réside plus dans leurs routines et l’environnement qu’ils se sont choisi que dans ces qualités purement individuelles.

Bien souvent, on néglige une force plus grande que la volonté seule et sur laquelle il est possible d’agir, c’est la force des habitudes. Pour s’élever, on s’imagine devoir battre des ailes frénétiquement alors qu’il est possible de trouver le courant ascendant qui vous portera sans effort vers les sommets !

Pour l’immense majorité d’entre nous, les influences externes jouent un rôle majeur dans notre capacité à exprimer le meilleur (ou le pire) de nous-même. Dans le boulot, l’environnement explique une large partie du succès, car il détermine une bonne partie de nos habitudes. Combien d’heures perdues peuvent être imputées au collègue hostile qui vous mine, à l’appartement mal rangé qui vous sert de bureau ou à votre fâcheuse tendance à dériver sur des vidéos jusqu’à trois heures du matin ?

Il n’y a jamais eu autant de possibilités qu’aujourd’hui de choisir son environnement de travail idéal. Des espaces de coworking fleurissent partout, des communautés professionnelles s’organisent, des moyens de se former se multiplient, les outils d’organisation personnelle sont légions. Mais il n’y a jamais eu autant de possibilités de diverger. La rechute est à portée d’un clic

Il en va des habitudes comme des fréquentations ; il y en a des bonnes et des mauvaises. Il y a l’ami qui vous motive pour aller faire du sport, pour apprendre et vous pousse à vous dépasser et il y a le vieux pote qui vous entraîne dans une soirée Mariokart/pizza/bière et vous renforce dans vos vieux réflexes. On les aime tous les deux, mais l’on sait bien que le premier offre un point d’ancrage et le second, une agréable fuite hors du réel.

Il n’est pas facile de se débarrasser de ses mauvaises habitudes, car elles activent dans notre cerveau des mécanismes de récompense chimiques qui agissent comme une drogue, offrent un remède temporaire, une justification, une voie de sortie lorsque l’on hésite à se lancer dans une tâche difficile. Elles nous suivent même lorsqu’elles ne servent plus à rien.

Mais plutôt que de vous acharner à vouloir devenir quelqu’un d’autre tout en nageant dans les mêmes eaux, essayez de changer d’environnement pour laisser s’exprimer une nouvelle facette de vous-même.

Dompter le temps

Pour beaucoup d’entre nous, le temps nous apparaît comme un ennemi mesquin et insondable. Les heures se volatilisent sans qu’on sache comment nous avons pu les employer. Face à cette énigme, le moment est venu de se lancer dans une vraie recherche du temps perdu. Heureusement, il existe de plus en plus d’outils et d’applications pour gérer son temps.

Si j’ai passé mon temps sur les logiciels adaptés, mais que j’ai pris du retard, cela signifie probablement que j’ai sous-estimé le temps de production. Soit j’avance trop lentement, soit je sous-estime le volume nécessaire et je devrai mieux choisir et mieux facturer mes missions.

 

Si j’ai passé beaucoup de mon temps voué à la production sur des tâches ou des logiciels annexes, cela signifie que je me suis dispersé et laissé entraîner hors de mon cœur de métier. Cela signifie qu’un recentrage est nécessaire, soit en externalisant ou en automatisant certaines tâches.

Mesurer son temps permet de comprendre comment se décomposent ses tâches ; en production, en efforts administratifs ou commerciaux, en gestion client ou communication. Si vous pouvez découper votre emploi du temps, vous découvrirez sans aucun doute d’immenses gisements d’heures en jachère qui pourraient être bien mieux employées !

Mesurer son temps, c’est aussi savoir mieux le vendre. C’est mieux estimer le coût réel d’une prestation et c’est s’engager sur une voie de progression.

Si la dernière mission m’a pris bien plus de temps que prévu, je saurais au moins pourquoi et j’aurais sans doute des idées pour améliorer ma gestion du temps la prochaine fois.

Entrer dans le flow

Maintenant qu’on a vu comment se placer dans un environnement favorable et comment mieux organiser son temps, regardons comment faire pour devenir plus efficace pendant ses heures de travail. Là encore, on associe la productivité avec des images stakhanovistes, des emplois du temps surchargés, de la souffrance, de la sueur et des larmes.

L’important pour se sentir productif, semble être de se sentir occupé. En cette drôle d’époque, on se dit polyvalents, multitâches et agiles, mais la neuroscience nous prouve le contraire. Nous sommes faits pour traiter une tâche après l’autre et non pour courir après 10 lièvres à la fois. À vouloir faire un peu de tout, on finit par faire beaucoup de rien.

Mais être productif, c’est d’abord être plongé profondément dans des tâches que l’on aime !

Au travail, dans le sport ou ailleurs nous avons tous connus des moments de profonde concentration où les choses nous paraissent fluides, faciles et gratifiantes. Cet état de grâce est connu des psychologues sont le nom de Flow (ou de Zone) d’après les travaux de Mihály Csíkszentmihályi dans les années 70. Quand on entre dans la Zone, le temps n’existe plus, nous sommes entièrement plongés dans le présent et nous ne faisons qu’un avec le projet en cours. L’activité elle-même est la récompense et malgré l’intensité que nous mettons dans l’action, celle-ci semble se dérouler sans effort.

Cet état de flow est celui où votre productivité est maximale et la bonne nouvelle, c’est qu’entrer dans la Zone est une faculté qui se travaille. La méthode Deep Work par exemple facilite l’accès au travail en état de flow dans un monde plein de distraction.

La voie de l’efficacité est un chemin de crête entre deux précipices. D’un côté, l’ennui qui ramollit, de l’autre la difficulté insurmontable qui paralyse.

Pour être productif, une dose de défi et de renouveau est nécessaire de même qu’une dose de confort et d’automatismes. Intégrer ce paramètre dans le choix de vos missions et dans un plan de carrière est fondamental dans votre efficacité à long terme.

Photo de couverture Kevin Ku
Photo #2 Hitesh Choudhary

William van den Broek
Rédacteur indépendant

Cofondateur de Mutinerie, je me passionne pour les écosystèmes, qu’ils s’agissent de communautés humaines, animales ou végétales. À côté de mes activités d’écriture, je donne régulièrement des formations d’introduction à la permaculture.

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