Maîtriser le travail profond pour exceller en freelance9 minutes de lecture

Aujourd’hui, nous nous penchons sur le livre Deep Work de Cal Newport. Quels enseignements peuvent en tirer les freelances ?

,Le livre de Cal Newport part d’un constat simple : demain, plus que jamais, ceux qui réussiront seront ceux capables de travail profond (Deep Work), c’est-à-dire un mode de travail mono-tâche, ultra concentré, sans aucune interruption.

Il s’agit d’augmenter notre capacité à apprendre des choses difficiles en peu de temps.

Les grands génies dont les œuvres sont arrivées jusqu’à nous pratiquaient déjà le travail profond en s’isolant pendant de longues périodes.

Ce mode de travail profond devient encore plus important aujourd’hui pour deux raisons :

  • Notre attention est sous pression comme jamais. Les réseaux sociaux, l’immédiateté de l’information et des échanges, l’omniprésence de terminaux et d’interfaces qui nous suivent du réveil au coucher et nous poursuivent jusque dans l’intimité des toilettes, les notifications en tout genre… Tout cela nous met une pression sans précédent auquel nous devons apprendre à résister sous peine de dissolution cognitive.
  • De plus en plus de tâches sont automatisées ou automatisables, et nous n’en sommes encore qu’au début… L’intelligence artificielle, les algorithmes et le machine learning prennent le relais des robots d’acier des temps modernes. Des métiers considérés aujourd’hui comme des métiers qualifiés à forte valeur ajoutée vont disparaître, ou tout au moins se transformer. Seuls les professionnels ayant réussi à développer des expertises non-automatisables pourront sortir leur épingle du jeu. Qu’il s’agisse de maîtriser ces machines intelligentes ou de créer ce qu’elles ne sont pas capables de créer… Or ces tâches créatives sont précisément celles qui exigent un travail profond. 

Pour les freelances, le travail profond est ce qui fera la différence entre le statut de prestataire interchangeable et celui d’expert irremplaçable.

La question de l’attention

L’ennemi numéro un du travail profond est la distraction. Le travail profond implique une pratique délibérée pour reprendre le concept développé par Malcolm Gladwell dans son livre Outliers. La pratique délibérée d’une seule tâche permet au cerveau d’isoler l’activité neuronale associée, et de créer de nouveaux réseaux de neurones spécifiques à la réalisation de cette activité. Avec le temps, la tâche deviendra plus facile et plus naturelle.

Cal Newport développe aussi le concept d’attention résiduelle. L’attention résiduelle est cette part de notre attention qui reste attachée aux tâches précédentes et qui vient miner l’attention à la tâche présente. Véritables hommes-orchestres ou femmes-fanfares, les freelances sont particulièrement exposés à ce risque.

L’auteur nous invite à faire la distinction entre le fait d’être occupé (busy) et le fait d’être productif.

Pour différents raisons que nous n’approfondirons pas ici, on associe volontiers le fait d’être busy, avec le fait d’être productif. On a tous en tête la figure du cadre ultra pressé courant d’un rendez-vous à l’autre, passant son temps dans l’avion pour assister à d’immanquables réunions. Toujours busy, jamais disponible, rarement concentré, il n’est certainement pas un modèle de productivité. Le signe de la productivité, au contraire, est l’isolement, aussi bien géographique que numérique.

Les différents modes de travail profond

L’auteur distingue quatre modes de travail profond :

#1 – Le mode monastique.

Le mode monastique est la version la plus radicale. On s’isole de préférence loin des villes, pour supprimer toutes les distractions et se consacrer entièrement à son travail. Cette version extrême est difficilement applicable par des freelances qui doivent quand même rester connectés au reste du monde.

#2 – Le mode bi-modal

Le mode bi-modal consiste à alterner de longues phases de travail profond avec des phases de travail plus superficiel. L’auteur prend l’exemple de Carl Jung qui alternait des phases de plusieurs mois dans une cabane en forêt pendant lesquelles il travaillait sur ses théories, avec des phases sociales à Zurich, où il rencontrait ses pairs, donnait des conférences et faisait la promotion de son travail. Le mode bi-modal peut convenir à certaines tâches comme l’écriture ou la recherche, mais cela reste un luxe que peu de freelances peuvent se permettre du fait des nombreuses contingences de la vie quotidienne (famille, logement, sollicitations clients…)

#3 – Le mode rythmique

Il s’agit ici de couper sa journée en deux, avec par exemple, le matin, une phase dédiée au travail profond et l’après-midi, une phase de travail consacrée aux autres activités (mails, calls, petites taches isolées devant être traitées rapidement…). Selon l’auteur, elle est moins efficace que le mode bi-modal, mais correspond mieux aux contraintes de la vie de freelance.

#4 – Le mode journalistique

Les journalistes ont cette particularité qu’ils doivent être capables de s’isoler pour écrire sans distraction tout en restant disponibles à l’événement qui reste la matière première de leur travail. Le mode journalistique consiste à passer en travail profond dès que l’on a un moment de libre pour cela. L’auteur déconseille ce mode pour les novices. Pour être capable de fonctionner selon le mode journalistique, il faut d’abord avoir développé sa capacité à se concentrer en travaillant selon les modes précédents. La capacité de concentration est comme un muscle que l’on développe par une pratique régulière.

Le travail profond en pratique

Voici quelques conseils pratiques que nous donne l’auteur pour arriver à intégrer plus de travail profond dans notre vie professionnelle.

Fixez-vous des règles et respectez-les rigoureusement.

Les modalités de votre travail profond doivent avoir été décidées en avance pour ne plus avoir à se poser de question sur ce que l’on a le droit de faire ou non. Cela préservera notre volonté, qui elle aussi fonctionne comme un muscle. Plus de règles = moins de choix = moins de fatigue. Ai-je le droit de faire une requête sur Google ? Mon téléphone doit-il être éteint ou en mode avion ? Combien de poses de combien de temps ai-je le droit de prendre ? Tout cela doit être décidé en amont et respecté religieusement.

Dans le même esprit, l’auteur nous conseille de préparer notre nourriture en avance pour ne pas avoir à y passer du temps ensuite, et pour éviter de se poser des questions du genre : tarte aux courgettes ou risotto, en pleine session de travail. Tout doit être décidé et préparé en avance.

Planifiez vos distractions.

En tant que freelance, il est peu probable que vous puissiez vous offrir le luxe d’une retraite de plusieurs mois dans une cabane en bois en pleine forêt. Décidez donc des moments ouverts à la distraction. C’est grosso-modo ce en quoi consiste le mode rythmique dont nous venons de parler. 

Mesurez votre temps de travail profond.

Cela vous fera gagner en sérénité. Plutôt que d’angoisser sur le produit de votre travail, concentrez-vous sur l’acte lui-même. Cela vous permettra d’être détaché de l’objectif. À long terme, vous serez gagnant. Trois heures de vrai travail profond par jour est déjà une belle réussite que peu de gens parviennent à accomplir.

N’ayez pas peur de communiquer vos contraintes à vos clients et partenaires.

L’auteur cite l’exemple d’une entreprise qui a décidé de consacrer un jour entier au travail profond. Il fallait donc prévenir les clients que l’on ne leur répondrait jamais le mardi. Le management était naturellement réticent au début. Le client est roi et exige aujourd’hui d’être servi sur-le-champ. À leur grande surprise, les managers constatèrent que leurs clients comprenaient et acceptaient ce nouvel état de fait. Rapidement, les salariés virent les effets positifs de cette nouvelle organisation du travail et l’expérience devint une habitude. 

Gérez vos mails.

L’auteur nous explique comment un blogueur renommé a organisé ses mails pour en reprendre le contrôle. Il annonce directement sur son formulaire de contact qu’il ne répondra aux mails que si cela correspond à son intérêt et à son planning. Il a même créé plusieurs boites mails en fonction de l’objet du mail : une adresse dédiée aux opportunités qu’on pourrait lui proposer, une boîte mail pour les demandes d’aide, une boite mail pour les recommandations…

Ce même blogueur était inquiet de la manière dont serait perçue cette organisation. Il craignait de passer pour quelqu’un d’arrogant. Finalement, il a constaté que ses interlocuteurs comprenaient parfaitement sa démarche, étant eux-mêmes habitués aux multiples sollicitations par mail.

Quittez les réseaux sociaux.

L’auteur nous invite à tester des périodes sans réseaux sociaux. Pas besoin de tout quitter d’un coup, inutile de faire de grands discours pour dire qu’on s’en va pour toujours, voyons simplement comment cela se passe sans ces réseaux. Il attire notre attention sur le fait qu’on ne pense la question de l’intéret des réseaux sociaux qu’en terme de gain potentiel (les réseaux sociaux me permettent de…), mais qu’on néglige leur coût : tout ce temps que l’on aurait pu consacrer à autre chose (à la lecture, au sport, à nos proches)…

Profitez de la nature pour restaurer votre attention.

La nature nous ressource, nous avons tous plus ou moins cette intuition. L’auteur évoque des études scientifiques conduite sur ce thème. Ces études confirment cette idée : le contact avec la nature permet aux humains de restaurer leur attention. Une balade d’une demie-heure nous aide à refaire notre stock d’attention. Dans la nature, nous avons moins d’efforts à faire pour nous déplacer qu’en ville ; il y moins d’obstacle et notre attention peut se reposer.

Forcez-vous à finir vos journées tôt.

La conscience du peu de temps disponible, ou simplement de la finitude du temps disponible, boostera votre capacité de concentration. C’est d’ailleurs l’une des conséquences positives de la parentalité chez les freelances.

Pratiquez le shutdown total.

Quand c’est fini, c’est fini. Une fois que vous êtes arrivé au bout de votre journée de travail, éviter absolument de vous y remettre. La tentation est grande de se faire une petite heure de plus après avoir couché les enfants ou en sortant de table. Il reste toujours de choses à faire et le calme revenu semble nous inviter à une petite session supplémentaire… Erreur ! Grave erreur ! Ces temps off sont cruciaux pour régénérer notre capacité de concentration. L’auteur, lui-même, termine systématiquement ses journées, en disant à voix haute “Shutdown Complete”. Profitez de votre temps libre pour vous plonger dans un bouquin, regarder un film, ou ne rien faire du tout.

Cal Newport termine son livre sur l’idée qu’une vie heureuse est une vie profonde. Les petites joies offertes par les distractions ne pèsent pas grand-chose à côté de la satisfaction d’avoir réalisé quelque chose.

Pour écouter le résumé de Deep Work, c’est ici.

Antoine van den Broek
Rédacteur en chef d’Amédée

Indépendant, frère-fondateur de Mutinerie, penseur, acteur et témoin des nouvelles formes de travail, passionné par le développement de communautés, j’aime faire des rencontres et raconter des histoires, deux activités auxquelles je peux me livrer par la grâce d’Amédée

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